La chanson des irréductibles
Chanson des irréductibles
Il y a déjà si longtemps, j’ai participé à la lutte contre le barrage de Couvin. C’était tellement loin que même mes enfants igno-taient à peu près totalement ce qu’avait été cette révolte populaire à laquelle, je le dis en toute modestie, j’ai joué un rôle prépondérant.
Près de quarante ans plus tard, un cinéaste me contacte et signale qu’il compte réaliser à partir d’archives et de témoignages de ceux qui y ont participé un film retraçant ce qu’il considère comme une lutte exemplaire.
Ma première réaction n’est pas favorable. Endosser l’habit d’un ancien combattant ne me séduit guère et je crains qu’il ne soit pas possible de retrouver et de révéler ce que fut notre état d’esprit à l’époque, les risques, les enjeux, l’enthousiasme, les coups de poignard, les déconvenues, les traitrises, l’expression souvent déroulante parce que très sombre de la nature humaine.
Le texte est extrait du livre de René Walgraffe
« Le Barrage et autres nouvelles« .
Je ne l’ai pas regretté, Le film « la bataille de l’eau noire » malgré des lacunes, des imperfections, des oublis, a présence d’un opportuniste qui n’y avait pas sa place et l’absence de nombreux activistes sincères est de qualité.
Il y a un vrai rythme, une énergie s’en dégage et l’état d’esprit qui fut le nôtre transparait. Ce n’était pas évident, si longtemps après, de faire revivre, ne fut-ce que partiellement, une lutte populaire aussi complexe par ses enjeux que diffuse par la motivation de ses acteurs.
Ce film est une réussite. Il a été vu bien au-delà de Couvin, même à l’étranger et j’ai assisté anonymement à une projection publique dans une salle de Bruxelles, installé au dernier rang, m’éclipsant quelques secondes avant la fin, peur d’être reconnu, après avoir perçu un public intéressé, riant, participant et jugeant avec empathie ce qui fut notre combat.
René Walgraffe