Après avoir écouté les arguments du SPW MI, la commune a abandonné l’idée d’aménager un rond-point face à la gare. C’est désormais un carrefour réaménagé qui est dans les cartons. Problème: des tensions entre la commune et le SPW MI bloquent complètement le dossier.

Juin 2024 : le visage de l’entrée de Couvin change radicalement. L’hôtel Saint-Roch situé face à la gare et au bâtiment communal est entièrement démoli.Un choc pour les Couvinois, mais peut-être aussi une opportunité. Le propriétaire des lieux, Fagnes Beers, a proposé de céder une partie du terrain libéré afin de faciliter la création d’un rond-point au carrefour situé devant.

Un rond-point incompatible avec la mobilité douce

La suggestion avait déjà été soumise il y a près de deux ans lors d’une réunion à Namur. Puisque cette partie de la voirie est régionale, Fagnes Beers était alors reçu par l’administration responsable, le SPW MI (SPW Mobilité et Infrastructures). L’échevine couvinoise de la Mobilité Frédérique Van Roost était également présente. Car si la commune n’a pas la main sur le dossier, elle avait déjà évoqué lors d’une conférence publique en janvier 2020 l’idée d’y créer un rond-point. «J’y étais favorable, confie l’élue. Mais pour le SPW MI, c’est clair et net: ils ne veulent pas d’un rond-point. Et je trouve que leurs arguments ne sont pas mauvais. Ils disent que ce n’est pas bon pour la mobilité douce. Regardez le rond-point du Bultia, à Nalinnes. Il est coincé entre deux centres commerciaux et une station service. Il est très dangereux pour les piétons et peu de personnes y passent.» Problème supplémentaire: la commune voudrait à terme une piste cyclable le long de la N5, entre Mariembourg et Couvin. «Mais si on installe un rond-point à ce carrefour, ça devient aussi dangereux pour les cyclistes», déclare l’échevine. Aujourd’hui, elle est formelle: «si on veut créer un cadre agréable, il ne faut pas ça».

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Pas de rond-point donc, mais la configuration actuelle est loin d’être optimale. Elle crée souvent des bouchons, que ce soit sur l’Avenue de la Libération, la Rue de la Gare ou à l’entrée du centre commercial La Couvinoise.

Selon Frédérique Van Roost, le SPW MI aurait plus ou moins une idée de comment réaménager le carrefour. Il faudrait notamment détruire une petite partie de la gare, plus précisément là où se situaient les anciens guichets de la SNCB juste avant leur fermeture définitive (donc pas la partie située le long de la N5). Mais impossible d’aller plus loin dans la réflexion. «Depuis notre réunion avec le SPW, nous n’avons reçu ni PV, ni proposition d’une nouvelle réunion, ni plan de projet, ni de budget. Trois semaines avant d’abattre l’hôtel Saint-Roch, nous les avons interpellé par courrier officiel en demandant s’ils avaient besoin du terrain. Ils n’ont jamais répondu

Contactés, les responsables du dossier au SPW MI renvoient vers la Sofico, qui explique qu’«il n’y a pas d’aménagement repris pour ce carrefour au Plan Infrastructures et Mobilité pour Tous 2020-2027 (PIMPT 2020-2027) et qu’il n’est donc pas à l’étude». La Sofico confirme qu’il y a eu une réunion il y a deux ans sur le sujet, mais «il n’y a pas d’autre information à communiquer à ce stade», conclut-elle.

Des relations glaciales entre la commune et le SPW MI

Pour Frédérique Van Roost, ce manque de communication entre le SPW MI et la commune s’explique par les «très mauvaises relations» qu’ils ont tissées «depuis que la commune a accordé le permis de construire du centre commercial La Couvinoise sans tenir compte des remarques du SPW MI»: «Normalement, le promoteur doit réaménager à ses frais la voirie lorsqu’il aménage un zoning commercial, et non avec de l’argent public. C’est ce qui s’est passé à Fosses-la-Ville, où ils ont créé un rond-point au centre Shop in Stock. À Couvin, c’est ce qui était demandé au promoteur, Ulrïch Bartolas. Il a répondu qu’il allait réaménager la gare des bus, même si on n’en avait fondamentalement pas besoin et que ça l’arrangeait pour construire son parking. En résumé, c’est cet l’argent qui aurait pu servir à remodeler le carrefour de la gare, mais ça n’a pas été fait.»

Des affirmations que conteste Ulrich Bartolas: «La commune a simplement rendu un avis positif à nos demandes, mais le permis a été donné par la région. Nous avons ensuite reçu des charges d’urbanisme et nous les avons mis en œuvre, dont la construction de cette gare multimodale avec huit arrêts de bus, qui est grande pour une ville pour Couvin. On ne peut pas venir dire que nous avons fait ce que nous voulions.» Il précise aussi que la question du carrefour a été discutée à l’époque, mais que la présence de l’hôtel Saint-Roch et de la gare posait problème et le sujet laissé en suspens. La Couvinoise n’a donc pas dû travailler sur ce point chaud de la mobilité couvinoise, et seuls la coordination entre les feux rouges a été adaptée.

Pour ce qui est des tensions entre la commune et le SPW MI, Ulrich Bartolas affirme que le problème était plus complexe. D’une part, selon lui, le SPW MI n’aurait pas apprécié l’avis positif de la commune sur la Couvinoise. D’autre part, une animosité serait née du fait qu’à l’époque, la personne du SPW qui a été contactée pour ce dossier partait à la pension, et non son remplaçant, avec qui il y a eu «une petite crise».

Pour finir, Ulrich Bartolas tient à souligner que ces tensions ne seraient pas nées avec la Couvinoise, mais remonteraient à la construction du contournement de la ville. De plus, il rappelle que cette situation s’est ensuite aggravée avec la saga de la restauration du Grand-Pont, qui fait elle aussi partie de la voirie régionale. Le SPW MI et la commune ont été tour à tour accusées de n’avoir pas remarqué assez vite qu’il s’agissait d’un site classé qui devait être restitué à son état d’origine, d’où trois longues années de travaux interminables où chacun attribuait la faute à l’autre.

Un manque d’alternatives au rond-point

Le dossier étant au point mort, la commune a tenté d’explorer des pistes alternatives. Frédérique Van Roost explique notamment qu’une liaison piétonne entre le centre-ville et la Couvinoise a été proposée, en la faisant passer par le parc Saint-Joseph, le Pont Rouge et le chemin entre l’ancien site Saint-Roch et le parc Saint-Roch. «Mais il fallait pour ça un passage piéton sur la voirie régionale, au niveau de la N5. Ça a été refusé par le SPW MI parce que c’est dangereux avec une route aussi grande», regrette Frédérique Van Roost. Faudrait-il créer une passerelle enjambant la N5 pour régler le problème? «Difficile, puisqu’il faudrait monter à 5m30 de haut pour laisser passer les convois exceptionnels», répond l’échevine. Et un tunnel piétonnier? «Je trouve que ce ne serait pas très sécurisant, la police ayant fait part de craintes quant à cette solution, puis il serait facilement inondable vu la proximité de l’Eau Noire», estime-t-elle.

Un budget a été débloqué pour refaire la N5 entre la gare et le rond-point de la locomotive, avec possibilité d’y faire une piste cyclable, mais aucune solution n’a été présentée pour aménager le carrefour de la gare. «Et maintenant, c’est trop tard pour Frédéric Adant, qui a créer un plan d’eau à la place de l’hôtel Saint-Roch, note Frédérique Van Roost. Et je vois mal le SPW MI dire « Il nous faudrait rogner cinq mètres sur ce terrain ». J’espère que l’absence de réponse revient à dire qu’ils n’ont pas besoin de cela.»

Article écrit par Kevin Dupont, journaliste bénévole pour Couvin.com.